Le flamenco, c’est d’abord le cante jondo, un chant profond, rugueux, qui demande des voix terriennes, aussi rauques que possible. Il a ses stars féminines, mais le flamenco se conjugue également au masculin.
Les deux cantaores de ce programme viennent respectivement de Jerez de la Frontera et d’Utrera, deux des capitales de l’Andalousie flamenca. David Lagos a beaucoup travaillé avec la danse, récemment avec le chorégraphe David Coria, et il aime non pas seulement chanter mais raconter. Son spectacle Cantes del silencio a frappé les esprits à la Biennale de Séville en 2022. Il y évoquait la répression qui a suivi la guerre d’Espagne au travers de tragiques épisodes survenus dans sa ville natale.
Tomás de Perrate, lui, est le descendant d’une des grandes dynasties gitanes, les Perrate de Utrera, une petite ville à trente kilomètres de Séville. Pourtant, il a commencé son parcours musical dans le rock, à la batterie et à la guitare électrique. Son retour au flamenco s’est passé un peu par hasard, mais tout était là, d’emblée, à commencer par cette voix rauque, cassée, des grands cantaores. Il garde de ses pratiques antérieures un sens du swing qui le fait apprécier, lui aussi, des danseurs comme Israel Galván ou Bélen Maya. Il peut chanter un tango comme Carlos Gardel ou un standard de jazz comme Louis Armstrong, mais ses soleares sont d’une profonde authenticité.
Son éclectisme, il le partage avec le guitariste virtuose Chicuelo, partenaire des plus importants chanteurs de ces vingt dernières années, mais aussi de jazzmen espagnols ou de la pianiste portugaise Maria-João Pires. Un maître, lui aussi.