Anne Teresa De Keersmaeker, chorégraphe
Être enseignée par la musique. Apprendre de ses rythmes, de ses mélodies, de son rapport au temps pour composer du mouvement : telle pourrait être la ligne directrice que s’est fixée la chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker depuis sa première pièce, Fase, composée sur la musique de Steve Reich en 1982. Si des compositeurs comme Bach ou Steve Reich tiennent une place à part dans son œuvre – la rigueur mathématique de leur art lui ayant permis d’affirmer les principes formels de son écriture – sa danse s’est appuyée sur l’expression musicale sous toutes ses formes : de la musique minimaliste au free jazz, de la pop à la musique spectrale, de l’ars subtilior au classique, elle a exploré les genres et les époques, modelant un geste articulé aux notes, aux cadences – sans renoncer à sa conception géométrique du mouvement fondée sur le nombre d’or.
Drumming marque un point d’orgue dans sa manière de s’appuyer sur un élan rythmique pour élaborer une partition logique – découpant la scène en spirales, diagonales, demi-cercles à partir desquels s’organisent les circonvolutions des danseurs. La singularité de son rapport à la musique tient ainsi au désir de faire percevoir toutes les nuances de la matière sonore : d’exposer sa structure tout autant que l’émotion qu’elle véhicule par l’architecture des corps. Entre clarté des formes et complexité de l’organisation des figures dans l’espace et le temps, l’œuvre de Anne Teresa De Keersmaeker est irriguée par la recherche d’un langage formel où la structure génère l’émotion : de Fase à The Goldberg Variations en passant par The Song, un souffle rythmique, harmonique ou mélodique parcourt sa création – indissociable de cet art consistant à organiser une alternance de sons et de silences dans la durée.
Portrait réalisé par Gilles Amalvi (2022)