Entretien avec Guillaume Hazebrouck

Quatre ans après le « conte de quartier » Les Sauvages, vous présentez une nouvelle œuvre collective, Messe pour une planète fragile, un oratorio engagé sur les périls qui menacent notre monde. Qu’est-ce qui vous a mené vers cette étonnante fresque poétique de la poétesse sud-africaine Antjie Krog ?


L’impulsion est venue d’une discussion avec Xavier Ribes, chef du Chœur d’Angers Nantes Opéra, qui m’invitait à écrire une œuvre d’inspiration liturgique. Peu de temps après, je découvrais en librairie ce texte d’Antjie Krog, publié par la maison d’édition nantaise Joca Seria et traduit par Georges-Marie Lory. Il m’a aussitôt frappé par sa puissance poétique, l’urgence de son propos et sa dimension cathartique.



Quelles sont les inspirations qui nourrissent la composition ? Dans quels univers musicaux cet oratorio se déploie-t-il ?


Ma musique se situe à l’intersection de multiples langages et influences, – un crossover que je développe ici à partir d’une instrumentation classique. Je recherche une écriture directe, évidemment vocale, simple et puissante à la fois. J’aimerais que musique et texte se déploient comme un rituel. Je pourrais citer en la matière nombre de références – Stravinsky vient immédiatement à l’esprit, mais j’ai également en tête les musiques d’André Caplet, Steve Reich ou Andrew Hill. In fine, je préfère m’en remettre à la matière même du texte pour me guider. Par ailleurs, je viens du jazz que j’ai toujours envisagé comme un espace de liberté et de création. Il m’autorise, je crois, une forme de pas de côté qui me donne la force de mener notamment ce projet.



Comme pour Les Sauvages, vous avez décidé d’impliquer des jeunes amateurs nantais dans ce spectacle chanté, au côté du Chœur professionnel d’Angers Nantes Opéra. Pourquoi êtes-vous attaché à cette approche ?


Le sujet en lui-même, qui nous mobilise toutes et tous, appelait à mettre en scène une grande diversité d’interprètes. Je vois un véritable potentiel poétique à associer ainsi amateurs et professionnels de différentes générations autour de cette thématique. Je considère également comme une forme d’exigence d’écrire pour des interprètes non professionnels et non lecteurs. Cela nécessite de se mettre à leur place et de trouver les situations musicales qui vont les mobiliser au mieux. Il s’agit finalement d’un défi qui pourrait aussi sembler un paradoxe : écrire une musique de création qui puisse se transmettre oralement.



Pouvez-vous nous présenter les interprètes de cette création ? Retrouvera-t-on des jeunes interprètes des Sauvages ?


Avec l’équipe de la Compagnie Frasques, nous avons créé, depuis quelque mois, Le Petit Chœur Nantais qui réunit de jeunes Nantais de différents quartiers lors de répétitions hebdomadaires au Théâtre Graslin. Il sera la proue de cet équipage qui associera également des chorales de différents collèges. On y retrouvera quelques jeunes interprètes des Sauvages qui, à la suite de l’opéra, ont voulu poursuivre l'aventure.



Cette incantation à la planète Terre, cette invitation à la protéger, comment résonne-t-elle selon vous auprès des jeunes interprètes ?


Je ne peux parler à leur place, mais mon sentiment est que l’ampleur de la problématique laisse souvent les gens de ma génération sans voix là où les plus jeunes s’en emparent de manière directe et volontaire. Le texte poétique d’Antjie Krog est en tout cas pour moi une invitation à faire corps et voix ensemble autour de cette question.



Quelle est leur part dans l’écriture artistique de ce spectacle ?


Ici, le texte d’Antjie Krog offre en lui-même beaucoup de directions dramaturgiques. Toutefois, les jeunes interprètes contribueront notamment à l’écriture du plateau en collaboration avec le metteur en scène Guillaume Gatteau.



Vous associez Nayel Hóxò dans l’interprétation, pouvez-vous nous présenter cette artiste ?


Nayel Hóxò est une chanteuse béninoise, membre du Bénin International Musical avec lequel elle a tourné dans le monde entier. Elle a créé à Nantes son propre projet dont je fais partie en tant que pianiste. Inspiré par la singularité et la profondeur de son timbre vocal, j’ai tenu à l’inclure en tant que soliste dans cette création.



Ce projet est conçu avec Guillaume Gatteau et Guillaume Carreau qui avaient eux aussi participé à l’aventure des Sauvages. Vous menez tous un travail artistique par ailleurs dans le théâtre, les musiques improvisées. Que représentent pour vous ce nouveau projet et la coopération avec Angers Nantes Opéra ?


Cette coopération est une nouvelle occasion de développer un projet musical et scénique mettant en valeur les compétences de chacun à son plus haut niveau. Sur Les Sauvages, la collaboration entre les équipes de l’Opéra, les artistes de la Cie Frasques et les jeunes a créé un moment exceptionnel de travail et d’imagination collective. Nous nous réjouissons déjà de celle à venir. L’engagement de l’institution lyrique nantaise est de nouveau déterminant. Le cadre de travail qui nous est proposé à Angers Nantes Opéra et la confiance de l’institution sont essentiels pour tous.

Angers Nantes Opéra