Cinq anecdotes Madame Butterfly

1. DES BUTTERFLY VENUS D'EXTRÊME-ORIENT 

 

Karah Son, d’origine coréenne, à l’affiche de cette production, n’est pas la première cantatrice asiatique à chanter le rôle de Cio-Cio-San sur les scènes de l’Ouest. Il y eut au Grand-Théâtre d’Angers, dès janvier 1931, Tapales-Isang, d’origine philippine, qui s’était illustrée déjà à la Scala de Milan et à l’Opéra-Comique. À l’Opéra de Rennes, on vit paraître en 1934 et 1936 une authentique Japonaise, nommée Tinay Arel Hao, qui n’a pas laissé un souvenir aussi vif. En revanche, point de chanteuse venue d’Extrême-Orient au Théâtre Graslin où l’ouvrage de Puccini fut porté dès 1910, quatre ans après la création française à l’Opéra-Comique, par de magnifiques sopranos françaises, notamment, de 1919 à 1922, Nelly Fréval, chaleureusement applaudie par le public nantais à chacune de ses apparitions.

 

2. VOUS AVEZ DIT JAPONISME ?

 

Le mot a été inventé par le critique d’art français Philippe Burty, à l’époque où le Japon, s’ouvrant aux pays occidentaux à l’aube de l’ère Meiji, commençait de fasciner artistes et intellectuels dans toute l’Europe. Chez nous, à partir des années 1860, l’influence des estampes, celles de Hokusa et Hiroshige surtout, fut déterminante sur les futurs impressionnistes et sur les nabis. La mode des paravents, des kimonos, des éventails ne doit pas faire oublier cette influence profonde qui va bien au-delà de l’anecdote. Tout comme Puccini a voulu s’approcher au plus près de l’âme japonaise au travers de son héroïne, les plus grands peintres ont pénétré non pas les formes mais l’esprit de cette dialectique entre dessin, couleur, image et matière qui est la marque des artistes nippons. « Plus tu regardes les choses avec les yeux des Japonais, plus tu perçois les couleurs de façon subtile », écrivait Van Gogh. Et Gauguin de renchérir : « Regardez les Japonais et vous verrez la vie ». Pour ces deux esprits modernes, le japonisme n’avait rien d’un exotisme.

 

3. DEUX HYMNES NATIONAUX 

 

Tout spectateur de Madama Butterfly reconnaîtra aisément le Star spangled banner, l’hymne national américain, qu’entonne au premier acte le lieutenant de marine Pinkerton dans son duo avec le consul Sharpless. « America for ever », c’est aussi l’exclamation finale du seul enregistrement connu de la voix de Puccini, une trentaine de secondes enregistrées au Studio de la Columbia, lors du séjour du compositeur à New York, en février 1907, pour la création de La Fanciulla del West. Moins évident à reconnaître, l’hymne impérial japonais, Kimi ga yo, est pourtant bien présent, lui aussi, dans Madama Butterfly. Il accompagne, un peu plus tard dans le même premier acte, l’entrée en scène du commissaire impérial. Une présence qui aura contribué aux quelques années de purgatoire traversées par le chef-d’oeuvre de Puccini après Pearl Harbour.

 

4. APRÈS L'ACCIDENT 

 

Le 13 février 1903, le compositeur de Madama Butterfly est victime d’un grave accident de voiture avec son épouse Elvira et son fils Tonio. Glissant sur la route mouillée, la voiture dont il est si fier (il a été le premier habitant de son village de Torre de Lago à en posséder une) a dérapé et fait une chute de quatorze mètres en contrebas. On a retrouvé Puccini sous le véhicule renversé, déjà presque asphyxié par les vapeurs d’essence. Sa fracture du tibia, mal soignée, le fera souffrir de longs mois et il boitera jusqu’à la fin de ses jours.

 

5. NAGASAKI, PORTE D'ENTRÉE POUR LES EUROPÉENS 

 

Comme celui de sa soeur Hiroshima, le nom de Nagasaki n’évoque guère que le martyre de ses habitants après les bombardements atomiques d’août 1945. Aujourd’hui, elle est redevenue un grand port, riche de ses florissantes constructions navales et d’une population de 400 000 habitants. À l’époque où il la découvrit, Pierre Loti, pourtant fasciné par le Japon, la trouva noire et sans charme. Il est vrai que, dans les années 1880, Nagasaki était encore l’unique porte d’entrée autorisée aux Occidentaux par l’empereur du Japon. Il en résultait une activité économique, et surtout industrielle, qui contrastait violemment avec le charme de la campagne environnante, toujours verte et vibrante du chant des cigales. La campagne a retrouvé ses droits dans la ville moderne. Le Glover Garden, qui offre une vue magnifique sur la baie, est soigneusement entretenu. Deux statues y voisinent, l’une de Giacomo Puccini, l’autre de la cantatrice japonaise Tamaki Miura, qui chanta le rôle de Butterfly plus de deux mille fois à travers le monde, de 1916 à 1932.

Angers Nantes Opéra