Asmâa Hamzaoui est une révolution à elle seule : avec les musiciennes et chanteuses de son groupe Bnat Timbouktou, cette jeune virtuose du guembri, instrument sacré de la culture gnaoua, s’empare d’une tradition musicale dont l’interprétation publique était jusque-là réservée aux hommes.
Née à Casablanca, Asmâa Hamzaoui est très tôt initiée au guembri par son père, le grand maître Rachid Hamzaoui. Si la pratique de cet instrument, un luth à trois cordes que l’on frappe, est autorisée pour les femmes dans le cadre privé de cérémonies et de rituels ésotériques, sa fonction musicale et publique est toujours une prérogative masculine. Aussi, on imagine sans peine la sensation que fût le concert donné par Asmâa Hamzaoui et Bnat Timbouktou lors de l’édition 2017 du célèbre Festival Gnaoua d’Essaouira, où le public découvrait l’assurance d’une chanteuse et instrumentiste exceptionnelle, accompagnée par des musiciennes maniant les crotales (percussions à main en métal) et assurant les chœurs. Cette révélation, on peut en avoir une idée assez fidèle à l’écoute de Oulad Lghaba, premier album paru en 2019, où les « filles de Timbouktou » revisitent ces traditions musicales originaires d’Afrique subsaharienne. Des chansons à la beauté âpre et hypnotique, fidèles aux canons d’une musique de transe, dont les motifs répétitifs ont influencé le jazz et le rock, aujourd’hui incarnée au féminin par une Asmâa Hamzaoui désormais détentrice du titre de maâlem. Une grande maîtresse de la musique marocaine pour le XXIe siècle.
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